Bénin: Théodore Holo prend la défense des constitutionnalistes attaqués par un citoyen

Théodore Holo - ancien président de la cour constitutionnelle Ph: Présidence Bénin

L’ancien président de la cour constitutionnelle du Bénin, Théodore Holo, ne partage pas le point de vue du physicien Pétros Zinzindohoué, qui affirme que l’Afrique n’a pas d’inventeur de constitution mais des copieurs.

Dans sa publication Facebook B2D du 06 janvier 2021 intitulée « L’ONU amuse le microcosme », le Physicien Pétros Zinzindohoué a taxé les constitutionnalistes africains d’être de simples copieurs des constitutions européennes.

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« Parcourez la constitution française et celles des pays africains francophones pour constater la similitude et vous apercevoir que nous n’avons pas des inventeurs de constitutions mais des copieurs de constitutions. » avait-il écrit dans sa publication.

Un point de vue que ne partage pas l’ancien président de la cour constitutionnelle béninois, Théodore Holo. Dans une sorte de droit de réponse, le constitutionnaliste a nuancé les propos du physicien affirmant même que par moment, ce sont les blancs qui nous copient. Lire ci-dessous sa position sur la question.

Réaction du professeur Théodore Holo:

Bonjour mon frère, Il faut nuancer ton affirmation. Certes, les constitutionnalistes africains, issus de la colonisation française, ont été formatés dans le système politique français et ont le français comme langue de travail.

Mais tout n’est pas toujours semblable et, quelque fois, c’est la France qui copie l’Afrique. Je prends pour exemple la Constitution française de 1958 et celle du Bénin de 1990.

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Au Benin, l’article 40 de la Constitution rend obligatoire la diffusion et l’enseignement dans tous les instruments internationaux dûment ratifiés et relatifs aux droits humains. Par ailleurs, au Bénin, le régime est présidentiel.

Ainsi, le Président de la République est à la fois Chef de l’Etat et Chef du gouvernement. En France, le régime est semi-présidentiel. Il y a une dyarchie du pouvoir exécutif dans la mesure où le Président de la République est le Chef de l’État tandis que le Premier ministre est le Chef du gouvernement avec le risque d’une cohabitation, en cas de discordance entre la majorité présidentielle et la majorité parlementaire.

En France, le Premier ministre forme le gouvernement librement, même si la nomination des ministres relève de la compétence du Président de la République.

Au Bénin, le Président de la République forme le gouvernement et nomme les ministres, après avis consultatif du bureau de l’Assemblée nationale. Depuis 1990, la durée du mandat du Président est de cinq (5) ans renouvelable une seule fois alors qu’en France, de 1958 à 1995, la durée du mandat est de sept (7) ans sans limitation, elle est passée à 5 ans en 1995 et limitée à 2 en 2008 donc après le Bénin.

En France le Parlement est bicaméral (Assemblée nationale et Sénat ) et monocaméral au Bénin (Assemblée nationale). La France a un Conseil constitutionnel dont le Président est nommé par le Président de la République à la différence du Bénin doté d’une Cour constitutionnelle dont le président est élu par les membres parmi les juristes (magistrats, avocats et professeurs de droit).

Le mandat des juges du Conseil constitutionnel est de 9 ans renouvelable par tiers alors que les membres de la Cour constitutionnelle ont un mandat de 5 ans renouvelable une seule fois.

Au Bénin tout citoyen peut saisir directement la Cour constitutionnelle par voie d’action directe, ou par la procédure de l’exception d’inconstitutionnalité. Il a fallu attendre 2008 pour qu’en France, après les tentatives de Mitterrand et de Badinter en 1991 et 1992, soit admise la question prioritaire de constitutionnalité avec le filtre du Conseil d’État ou de la Cour constitutionnelle qui peut ne pas remonter la question au Conseil constitutionnel alors qu’au Bénin le juge devant lequel l’exception d’inconstutionnalité est soulevée doit transmettre au plus tard dans les 8 jours la question à la Cour qui doit rendre sa décision dans un délai d’un mois.

La Cour dont sont exclus les anciens Présidents de la République à la différence de la France veille à la régularité de l’élection du Président de la République et statue sur les régularités qu’elle aurait pu constater par elle-même, elle est également l’unique juge de l’ensemble du processus électoral, à savoir l’inscription sur la liste électorale, la validation des candidatures, la campagne électorale, le déroulement du scrutin, la proclamation des résultats provisoire et définitif de l’élection présidentielle, le contentieux des résultats tandis que le juge constitutionnel français est seulement compétent pour le contentieux des résultats.

Les lois organiques et les lois en général (avant la révision controversée de novembre 2019) sont obligatoirement soumises au contrôle de la Cour avant leur promulgation, ce qui n’est le cas en France que pour les lois organiques.

En France la saisine de la Cour par les députés est subordonnée à un nombre déterminé (60 depuis Giscard) alors qu’au Bénin un seul député suffit. Au Bénin la Cour est le garant des droits fondamentaux de la personne humaine et des libertés publiques pendant que la France réserve cette compétence au juge judiciaire.

Par ailleurs, aux termes de l’article 121 de la Constitution, la Cour, à la différence du Conseil constitutionnel français, se prononce d’office sur la constitutionnalité de la loi et de tout texte réglementaire censés porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne humaine et aux libertés publiques.

La Constitution française parle d’autorité judiciaire alors que la Constitution du Bénin parle du pouvoir judiciaire attribué à une Cour suprême regroupant les Juridictions de l’ordre judiciaire et de l’ordre administratif.

En outre, au Bénin, aux termes de l’article 53 de la Constitution, le Président de la République, à la différence de la France, prête son serment devant Dieu et les mânes de nos ancêtres.

Mieux, à la différence de la France, pour surmonter le refus du Président de la République de promulguer la loi, promulgation qui rend la loi exécutoire en certifiant l’authenticité de sa procédure d’adoption par le Parlement, l’article 57 de la Constitution dispose que la Cour constitutionnelle saisie par le Président de l’Assemblée nationale la déclare exécutoire si elle est conforme à la Constitution.

En dehors de la Constitution, la question sensible de l’organisation des élections relève de la compétence du ministère de l’Intérieur en France alors qu’elle est confiée au Bénin à une autorité administrative indépendante, à savoir, la Commission électorale nationale autonome… etc.

Agréable journée pleine de grâces et de bénédictions pour ton bonheur familial et professionnel mon frère et cher ami.

Pr. Théodore HOLO.

Cotonou, 07 janvier 2021

1 commentaire

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A.P

Vous êtes vraiment un professeur. Vos illustrations sont limpides, claires…