Bénin: après la levée de l’immunité, quid des procédures pour les 3 députés ?

Le Mardi 24 Juillet 2018, les députés de la septième législature, par un vote public, ont fait droit à la requête du procureur de la république en levant l’immunité parlementaire de trois de leurs collègues. Il s’agit notamment des honorables Valentin Djènontin du parti fcbe, de Idrissou Bako de la même formation politique et de Mohamed Atao Hinnouho du réseau ATAO.

Suite à ce vote sur requête du procureur de la république, la procédure doit pouvoir se poursuivre  au niveau du tribunal du droit commun pour Idrissou Bao et Mohamed Atao Hinnouho. Djènontin Valentin par contre, doit être soumis à une procédure spéciale devant la haute cour de justice. Un parcours qui, à coup sûr, serait plus long que celui de ses deux autres collègues.

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Quid des procédures à engager après la levée de l’immunité ?

La suite de la procédure après le vote du Mardi 24 Juillet 2018 débutera dans un premier temps par la notification au président de la République, Patrice Talon le rapport de l’issue du vote du mardi 24 dernier. La même notification sera ensuite faite au garde des sceaux bien qu’il ait assisté au déroulement des votes et enfin à chacun des députés de la mandature en cours.

Après cette étape, la procédure judiciaire proprement dite sera lancée. Les dossiers des députés mis en cause seront transférés aux juridictions de fond. C’est à ce niveau précis que la démarcation se fera compte tenu de la fonction occupée par chacun d’eux au moment des faits pour lesquels ils sont incriminés. La procédure à mettre en oeuvre se présente donc comme suit:

  • Cas de l’honorable Idrissou Bako: le dossier de cet élu fcbe sera traité devant les juridictions ordinaires. Il faut préciser que l’honorable Idrissou Bako était directeur général de la société nationale de la production agricole au moment des faits dont il est incriminés. Devenu un citoyen ordinaire après la levée de son immunité, son dossier sera traité comme un dossier ordinaire devant le tribunal de première instance de première classe de Cotonou.
  • Cas de l’honorable Mohamed Atao Hinnouho: contrairement à son collègue Idrissou Bako, l’honorable Atao Hinnouho sera embarqué dans une procédure de frangrant délit. Il répondra donc des faits qui lui sont reprochés devant le juge de fragrant délit.
  • Cas de l’honorable Valentin Djènontin: la procédure à laquelle sera soumis le secrétaire exécutif national des forces cauris pour un Bénin émergent sera une procédure assez spéciale  en raison de la fonction occupée par celui-ci au moment de la survenance des faits qui lui sont reprochés.

Faut-il le rappeler, l’honorable Valentin Djènontin était dans le gouvernement de l’ancien président de la République, Thomas Boni  Yayi. Garde des Sceaux, ministre de la Justice , Valentin Djènontin est interpellé pour avoir occupé le poste du président du comité interministériel du coton au moment des faits. Il sera donc  justiciable de la Haute Cour de Justice, en raison de sa qualité d’ancien membre du gouvernement. Il subira donc une procédure spécifique prévue par la Constitution en la matière.

La procédure au niveau de la Haute Cour de Justice

Le dossier de l’honorable Valentin Djènontin sera instruit devant la chambre d’accusation de l’Institution, qui produira un rapport sur la base duquel l’Assemblée nationale sera à nouveau saisie, aux fins d’un vote en vue de la poursuite de ce dernier devant la Haute Cour de Justice.

Instituée par la Constitution du 11 décembre 1990, la haute Cour de Justice est une Juridiction spéciale dont le siège est à Porto-Novo. Ses attributions, son organisation et son fonctionnement sont régis par les dispositions de la loi organique n°93-013 du 10 août 1999 complétées par le règlement intérieur du 26 novembre 2001 modifié par celui du 04 mai 2007.

Aux termes des dispositions des articles 135 à 137 de la Constitution, 2 à 5 de la loi n°93-013 du 10 août 1999 portant loi organique de la haute Cour de Justice complétée par le  règlement intérieur, elle est compétente pour juger :

  • le président de la République et les membres du gouvernement à raison des faits qualifiés de haute trahison, d’outrage à l’Assemblée nationale ou d’atteinte à l’honneur et à la probité et d’infractions commises dans l’exercice de leurs fonctions ;
  • leurs complices en cas de complot contre la sûreté de l’Etat.

Nul n’étant et ne devant être au-dessus de la loi, la mission première confiée à la haute Cour de Justice est de lutter contre l’impunité au sommet de l’Etat, en jugeant les gouvernants qui se seraient rendus coupables des faits sus-cités.

C’est donc devant cette juridiction que sera envoyée l’honorable Valentin Djènontin selon le bon vouloir des députés qui seront à nouveau interrogés dans la procédure. C’est à eux que revient à nouveau le vote de l’accusation de leur collègue devant la haute cour de justice après celui de la levée de l’immunité.

Autrement dit, après le vote de levée de l’immunité, les députés seront à nouveau saisis pour un vote de poursuite de leur collègue; C’est seulement après ce vote que les juges de la haute cour de justice vont instruire le dossier et accueillir leur client pour la suite de la procédure dont l’aboutissement est sa condamnation ou son acquittement.

Il faut donc faire remarquer que l’Assemblée nationale qui sera à nouveau saisie peut décider ou non d’engager la poursuite contre l’honorable Valentin Djènontin. La décision de poursuite est votée à la majorité des 2/3 des députés composant l’Assemblée nationale.

L’instruction est menée par la chambre d’Instruction de la haute Cour de Justice qui est la chambre d’Accusation de la cour d’Appel ayant juridiction sur le lieu du siège de l’Assemblée nationale. La chambre d’Instruction, à la fin del’information, soumet son rapport à l’Assemblée nationale qui décide s’il y a lieu de la mise en accusation.

La mise en accusation du député est votée à la majorité des 2/3 des députés composant l’Assemblée nationale. Si la mise en accusation est votée, le président de l’Assemblée nationale la notifie immédiatement au Procureur général près la haute Cour de Justice. C’est cette notification qui vaut saisine de la haute Cour de Justice.

Comme vous devez vous en rendre compte, la procédure devant la haute cour de justice est une procédure assez lourde et complexe. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle n’a jamais pu aboutir depuis la création de cette institution. La procédure en cours avec l’honorable Valentin Djènontin sera t-elle l’exception avec la détermination du bloc de la majorité parlementaire à envoyer leur collègue laver son honneur? Wait and see.