Bénin – Doing Business 2019: quand les efforts du Président Talon peinent à émerveiller

Dans son rapport Doing Business 2019 : formation pour mieux reformer, publié ce mercredi 31 octobre 2018, le Groupe de la Banque mondiale a recensé 314 réformes de l’environnement des affaires dans le monde au cours de l’année dernière. C’est un nouveau record dans la réduction des lourdeurs administratives pour le secteur privé.

Ces réformes, qui concernent 128 économies, bénéficient aux petites et moyennes entreprises ainsi qu’aux entrepreneurs, favorisant la création d’emplois et l’investissement privé. Le nombre de réformes recensées cette année dépasse le record de 290 réformes enregistré il y a deux ans. « Le secteur privé joue un rôle essentiel dans l’instauration d’une croissance économique durable et la lutte contre la pauvreté à travers le monde », déclare Jim Yong Kim, Président du Groupe de la Banque mondiale.

Des règles équitables, efficaces et transparentes, comme celles que préconise le rapport Doing Business, constituent le socle d’un environnement dynamique pour l’économie et l’entrepreneuriat. Il est indispensable que les pays intensifient leurs efforts afin de créer les conditions permettant à l’entreprise privée et aux populations de prospérer.

 Le rapport constate que les réformes sont mises en œuvre là où elles sont les plus nécessaires, les pays à faible revenu et les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure ayant entrepris 172 réformes. En Afrique subsaharienne, un nombre record de 40 économies ont mené 107 réformes, la meilleure performance en termes de nombre de réformes réalisées par la région pour la troisième année consécutive. Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord ont atteint un nouveau record avec 43 réformes.

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C’est encore le domaine de la création d’entreprises qui a connu le plus d’améliorations, avec 50 réformes cette année. D’importantes réformes ont également concerné l’exécution des contrats (49 réformes) et le raccordement à l’électricité (26 réformes).

Les dix économies qui arrivent en tête du classement annuel du Groupe de la Banque mondiale sur la facilité de faire des affaires sont la Nouvelle-Zélande, Singapour et le Danemark, qui conservent leur premier, deuxième et troisième rang pour la deuxième année consécutive, suivis de la RAS de Hong Kong en Chine, de la République de Corée, de la Géorgie, de la Norvège, des États-Unis, du Royaume-Uni et de l’ex-République yougoslave de Macédoine.

Concernant les changements notables intervenus dans les 20 économies en tête du classement cette année, les Émirats arabes unis (EAU) rejoignent le classement pour la première fois, au 11e rang, tandis que la Malaisie et Maurice gagnent des places, arrivant respectivement 15e et 20e. Au cours de l’année passée, la Malaisie a mis en œuvre six réformes, Maurice cinq et les EAU quatre. Maurice a notamment éliminé un obstacle qui pénalisait les femmes dans la création d’entreprises.

Les dix économies où les améliorations sont les plus sensibles sont l’Afghanistan, le Djibouti, la Chine, l’Azerbaïdjan, l’Inde, le Togo, le Kenya, la Côte d’Ivoire, la Turquie et le Rwanda. Avec six réformes à leur actif chacun, Djibouti et l’Inde sont dans le top 10 pour la deuxième année consécutive. L’Afghanistan et la Turquie, qui figurent pour la première fois parmi les pays les plus réformateurs, ont introduit un nombre record de réformes en un an seulement (respectivement cinq et sept réformes).

« La diversité des pays se classant parmi les plus réformateurs montre que des économies de toutes tailles et de tous niveaux de revenus, et même des économies en situation de conflit, peuvent améliorer le climat des affaires pour les petites et moyennes entreprises du pays. Le rapport Doing Business fournit aux gouvernements du monde entier une feuille de route permettant de renforcer la confiance, l’innovation et la croissance des entreprises, mais aussi d’endiguer la corruption », estime Shanta Devarajan, économiste en chef par intérim et directeur principal pour l’économie du développement à la Banque mondiale.

Dans la sous-région, l’Afrique subsaharienne a enregistré un nouveau record pour la troisième année consécutive, engageant 107 réformes l’an dernier, contre 83 l’année précédente. En outre, cette année a été marquée par le plus grand nombre d’économies ayant mené des réformes, 40 des 48 économies de la région ayant mis en place au moins une réforme, à comparer au record précédent qui était de 37 économies il y a deux ans. La région compte quatre des 10 économies les plus réformatrices de cette année : le Togo, le Kenya, la Côte d’Ivoire et le Rwanda. Si les réformes introduites par les pays de cette région couvrent un grand nombre de domaines, beaucoup concernent le transfert de propriété et le règlement de l’insolvabilité.

Le cas du Bénin

Dans ce rapport publié ce mercredi par la Banque mondiale, le Bénin a perdu deux points et occupe, pour la première fois, les dernières places de l’espace Union économique monétaire ouest africaine (UEMOA) (8è) et 12è dans la zone de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest. Sur les dix thèmes ayant fait l’objet des évaluations, le Bénin a occupé respectivement 61ème (Démarrage des affaires, 90.60) ; 51ème (Processus de permis de construction, 73.95) ; 176ème (Accès à l’électricité, 33.84) ; 130ème (Enregistrement de la propriété, 54.19) ; 144ème (Accès au crédit, 30.00) ; 149ème (Protection des micros investisseurs, 40.00) ; 176ème (Paiement des taxes, 44.73) ; 107ème (commerce transfrontalier, 68.94) ; 171ème (Renforcement de contrat, 37.27) et 110ème (Résolution de l’insolvabilité, 40.68). Au classement général, le Bénin s’est placé au 153ème rang mondial avec deux points en moins comparativement au classement de l’an dernier.

Contrairement donc aux publications de certaines presses locales faisant état, il y a quelques jours seulement, d’un bon classement pour le Bénin qui aurait gagné, suivant leurs différentes publications, quatre points cette année, le pays que dirige depuis avril 2016, le Président Patrice Talon, a régressé de deux points.  Les raisons de cette chute dans le classement cette année n’est rien d’autres que la politique mise en place par le Président pour corser davantage les textes régissant le monde des affaires dans le pays.

Pour les observateurs de la vie sociopolitique du Bénin, « le Chef de l’Etat aurait propulsé le pays pour un meilleur classement s’il avait créé un bel environnement et favoriser le climat des affaires dans le pays ».

L’autre facteur qui a milité en défaveur du Bénin est la question de la séparation des pouvoirs comme l’exigent les principes démocratiques. Depuis avril 2017, il est de notoriété de tous que le deuxième pouvoir, celui législatif chargé pourtant de contrôler les actions du gouvernement, est acquis, à la majorité, à la cause du pouvoir en place formant ainsi au sein de l’hémicycle, un bloc parlementaire totalement dévoué au régime Talon. Un mariage que d’aucuns qualifient d’ailleurs d’incestueux puisque bafouant, bien des fois, les règles démocratiques.

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Le troisième pouvoir qu’est la justice connaît également depuis peu, une immixtion de l’exécutif dans ses affaires. Ce constat qui était une rumeur a été confirmé par l’Union nationale des magistrats du Bénin (UNAMAB) à la sortie de son assemblée générale extraordinaire tenue le 26 octobre 2018 à Cotonou. Il n’est plus bienséant aujourd’hui d’évoquer la presse puisqu’elle est bâillonnée, muselée avec la plupart des promoteurs de ces organes de presse soumis presque au pouvoir en place.

Dans ce contexte donc où le pouvoir exécutif dispose d’une mainmise sur les autres pouvoirs dans un Etat pourtant démocratique, il sera difficile, comme l’a signalé d’ailleurs le rapport, pour les investisseurs tant nationaux qu’internationaux, de se lancer dans des affaires dans le pays. Le verdict de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) dans le dossier de 18 kg de cocaïne retrouvés dans un des containers de la société appartenant au président du patronat béninois est bien illustratif et n’est pas de nature à rassurer les investisseurs.

Le Bénin pourrait-il renverser la tendance avec ce classement lors du prochain classement de 2019 ? L’espoir est certes permis mais les efforts au niveau exécutif doivent être faits pour l’accomplissement d’un tel vœu.