Restitution de biens culturels au Bénin et au Sénégal: le projet de loi adopté en lecture définitive par l’Assemblée nationale
L’Assemblée nationale française a adopté le projet de loi relatif à la restitution de biens culturels au Bénin et au Sénégal. Le projet de loi a été adopté à l’unanimité desz suffrages exprimés, en lecture définitive, ce jeudi 17 décembre 2020.
L’Assemblée nationale donne son quitus au projet de loi relatif à la restitution de biens culturels au Bénin et au Sénégal, en lecture définitive. Elle vient ainsi de confirmer son vote du 07 octobre 2020 en première lecture dudit projet de loi.
Ce vote intervient quelques jours après celui du Sénat qui s’oppose au même projet de loi en deuxième lecture. Les sénateurs ont fait des propositions qui visiblement ne rencontrent pas encore l’assentiment de l’Assemblée nationale. Le Sénat avait proposé la création d’une instance pour « mieux encadrer scientifiquement, dans le futur, ce type de procédure ». Cette instance qui pourrait être dénommée « Conseil national chargé de réfléchir aux questions de circulation et de retour d’œuvres d’art extra-occidentales », aura pour principal rôle d’« éclairer la décision politique », a confié à AFP, la rapporteuse Catherine Morin-Desailly.
Motion du Sénat présentée par Catherine Morin-Desally
En application de l’article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal (n° 196, 2020-2021).
Objet
Malgré l’accord des deux chambres, à l’unanimité des suffrages exprimés, pour autoriser le retour des biens culturels appartenant aux collections nationales sollicités par le Bénin et le Sénégal, l’Assemblée nationale et le Sénat ont de profondes divergences de fond sur la manière d’appréhender les modalités de restitution.
Après l’échec de la commission mixte paritaire, l’Assemblée nationale a confirmé en nouvelle lecture qu’elle privilégiait le travail diplomatique et la rapidité à la recherche du plus large consensus national en matière de restitutions. Cette question aurait pourtant mérité de dégager une solution susceptible de recueillir l’assentiment des deux chambres, dans la mesure où il s’agit de biens appartenant à la Nation, dont seule la représentation nationale peut autoriser l’aliénation.
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Après avoir refusé, en commission mixte paritaire, la création du Conseil national de réflexion sur la circulation et le retour des biens culturels extra-européens, introduit par le Sénat en première lecture dans un nouvel article 3, les députés sont également revenus en nouvelle lecture sur la modification sémantique apportée par le Sénat à l’intitulé du projet de loi en première lecture, qui visait à remplacer le terme de « restitution » par celui de « retour ». Les députés n’avaient pourtant pas manifesté leur opposition à cette modification en commission mixte paritaire, le rapporteur de la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale ayant lui-même confirmé que « ces restitutions ne sont ni un acte de repentance ni un acte de contrition ».
La remise aux autorités malgaches, le 5 novembre dernier, dans le cadre d’un dépôt, de l’objet décoratif en forme de couronne surplombant le dais de la reine Ranavalona III, sans information préalable ou consultation du Parlement, démontre clairement la volonté du Gouvernement de contourner systématiquement l’aval préalable du Parlement à la sortie de biens des collections et de faire prévaloir les enjeux diplomatiques sur l’intérêt culturel, scientifique et patrimonial des biens composant les collections publiques françaises. La restitution de cette couronne a en effet été demandée officiellement par les autorités malgaches en février dernier. La convention de dépôt conclue entre le ministère des armées français et le ministère de la culture malgache indique que cette remise s’inscrit dans la perspective du retour définitif de ce bien à Madagascar. Il s’agit d’un dévoiement de la procédure de dépôt d’œuvres d’art, destinée à permettre une sortie exclusivement temporaire du territoire douanier des trésors nationaux qui en font l’objet. Le musée de l’armée, saisi pour élaborer un dossier scientifique et historique de l’objet, n’a pas été consulté en amont de la décision de retour pour recueillir son avis sur celle-ci.
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Cette méthode renforce la pertinence du Conseil national demandé par le Sénat en première lecture, qui permettrait de garantir un examen scientifique des demandes émanant des pays tiers et d’éclairer, avant l’engagement de toute négociation diplomatique, la décision des autorités politiques.
Dans la mesure où les députés ont fait connaître leur opposition à sa création, la commission de la culture considère qu’un nouvel examen détaillé du projet ne permettrait pas de rapprocher les points de vue de l’Assemblée nationale et du Sénat et propose donc à ce dernier d’adopter la présente motion.
NB :En application de l’article 44, alinéa 3, du Règlement, cette motion est soumise au Sénat avant la discussion des articles.
Intégralité du texte adopté par l’Assemblée nationale
26 œuvres pour le Bénin et un sabre avec fourreau pour le Sénégal
Le projet de loi proposé par le gouvernement définit en son article 1er les conditions de restitution de 26 œuvres que constitue le « Trésor de Béhanzin » au Bénin. Le « Trésor de Béhanzin » se compose de vingt‑six pièces (huit données en 1893; dix‑huit, deux ans plus tard), dont la liste figure en annexe du projet de loi. Cette liste, qui correspond à la demande officielle présentée par la République du Bénin, aux termes d’une lettre du ministre des affaires étrangères et de la coopération de la République du Bénin en date du 26 août 2016, manifeste une cohérence d’ordre historique, puisque ce sont les œuvres issues du don du général Dodds qui proviennent toutes de la prise d’Abomey.
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L’article 2 prévoit de permettre la sortie des collections nationales d’un sabre, avec fourreau, attribué à El Hadj Omar Tall, donné aux collections nationales par le général Louis Archinard (1850‑1932), et son transfert de propriété à la République du Sénégal. Ce sabre fait l’objet d’une demande de restitution par la République du Sénégal transmise le 26 juillet 2019 par le Président de la République Macky Sall au Président de la République française.
Le Bénin est-il prêt pour accueillir ses œuvres?
A l’annonce de la restitution des œuvres d’art en 2018, la grosse question qui taraude les esprits porte sur la capacité du Bénin a accueillir ses biens culturels et les entretenir. Face à cette interrogation qui se fonde sur l’inexistence de musées de normes internationales, les autorités béninoises ont engagé des actions.
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La construction de musées est annoncée dans plusieurs villes historiques du Bénin. L’Unesco a principalement approuvé la construction d’un nouveau musée à Abomey. Les travaux devraient démarrer dès le dernier trimestre de l’année 2019 et s’achever en 2021.
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