Covid-19: l’allègement de la dette de l’Afrique n’est pas la solution, selon Romuald Wadagni

Romuald Wadagni -ministre des Finances et de l'Economie du Bénin

Pour faire face aux effets économiques de la pandémie de la covid-19 dans les pays pauvres, le ministre béninois de l’Economie et des finances, Romuald Wadagni, ne parle pas le même langage que les présidents français et sénégalais, Emmanuel Macron et Macky Sall, qui prônent l’annulation de la dette des pays africains pour faire face aux revers de la pandémie.

La crise sanitaire liée à la propagation du coronavirus qui frappe le monde entier n’est pas sans impact négatif sur l’économie, principalement sur l’économie déjà fragile des pays africains. Dans un élan de solidarité, plusieurs chefs d’Etat, comme le président français, Emmanuel Macron, trouvent, dans la remise des dettes de pays africains, une solution d’atténuation de la crise économique qui risque de succéder à la crise pandémique. Une lecture que ne semble pas partager le ministre béninois de l’Economie et des finances, Romuald Wadagni, qui estime que la remise de dette aux pays africains n’est pas la solution. Dans sa parution du jour, le Magazine panafricain, « Jeune Afrique« , publie que le ministre Romuald Wadagni penche plutôt pour d’autres approches. L’argentier béninois, tout en saluant la forte et rapide mobilisation internationale et les récentes mesures en faveur des pays pauvres, fait remarquer que les politiques et instruments mis en œuvre pour soutenir les économies des pays développés « sont orientés vers la mobilisation et la mise à disposition immédiate de nouveaux financements visant à contenir les impacts économiques de la crise, tandis que les mesures adoptées pour l’Afrique se résument principalement, soit à des annulations de dette soit à des moratoires sur le service de la dette publique bilatérale. », laisse-t-il entendre.

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Pour le ministre béninois des Finances, cette option n’est pas sans conséquence sur les pays africains. Selon lui, ces solutions, malgré la marge budgétaire immédiate qu’elles offrent, ne répondent pas aux enjeux cités plus haut et présentent d’importants inconvénients à court et moyen termes. « En effet, les dépenses des États sont appelées à croître rapidement pour contrer la propagation de la pandémie, alors même qu’il faut continuer à faire face aux défis du développement. À ce constat, s’ajoute la chute importante des recettes qui vient réduire davantage les marges budgétaires. L’allègement de la dette ou un moratoire constitue dans ce contexte, un appel à l’indulgence des créanciers et n’apporte pas de solutions structurelles aux difficultés des États. », fait-il remarquer. Par ailleurs, un allègement de la dette ou un moratoire pour le paiement des échéances ternira davantage l’image des États et compromettra leur accès aux financements futurs. Nos pays subiront un effet induit sur la perception de leur qualité de crédit ; ce qui les exposerait à des sanctions ultérieures inévitables de la part du marché, fait-il savoir.

L’endettement responsable est un meilleur choix qu’un appel à l’indulgence

En lieu et place d’une remise de dette aux pays africains, le ministre béninois de l’Economie et des finances milite pour « l’endettement responsable ». Selon lui, le mécanisme européen de stabilité pourrait constituer une bonne source d’inspiration pour créer un véhicule supranational, ayant le statut de créancier privilégié et réunissant les partenaires au développement. « Ce mécanisme pourrait proposer plusieurs types de programmes adaptés aux spécificités de chaque pays, allant de la ligne de précaution pour les pays sujets à des risques de refinancement à des lignes de financements de grands programmes d’investissement pour les pays aux fondamentaux macroéconomiques robustes. » Un exemple de programme, à l’en croire, pourrait consister à concentrer les efforts des partenaires au développement pour un investissement massif destiné à réduire significativement le gap en infrastructures de base. « Pour les pays à dette non soutenable, ce véhicule pourrait racheter de la dette à décote et obtenir une réduction de l’endettement à faible coût, afin d’éviter une restructuration de dettes futures aux conséquences économiques souvent désastreuses. », indique-t-il.