Retour sur les détails de l’affaire « SECURIPORT » qui va coûter des milliards au Bénin
Le 24 janvier 2019, la Chambre de commerce international de Paris a condamné le Bénin à verser plus de 55 milliards de fcfa de dédommagement à la société américaine SECURIPORT pour rupture abusive de contrat. Retour sur les détails de cette affaire qui remonte en 2016, au lendemain de l’avènement du régime de la « Rupture ».
Tout a commencé le 11 mai 2016, un peu plus d’un mois après la prise de fonction du président élu, Patrice Talon. Dans une communication présentée en Conseil des ministres, Sacca Lafia, le nouveau ministre de l’Intérieur et de la sécurité publique issue du premier gouvernement Talon, a relevé le « mépris » des dispositions de la loi portant protection des données à caractère personnel en République du Bénin contenu dans le contrat d’une durée de 20 ans renouvelable signé le 26 janvier 2016 entre l’État béninois et la société américaine SECURIPORT pour assurer les services de sécurité de l’aviation civile dans les aéroports du pays.
Se référant au compte rendu du Conseil des ministres du 11 mai 2016, Didier Atchou, alors Directeur général de la Police nationale (actuelle Police Républicaine), a, dans le courrier n°499/MISP/DGPN/SP-C en date du 19 mai, sommé le Directeur général de SECURIPORT de suspendre ses activités, notamment celles liées à l’enregistrement et au contrôle des documents de voyage à l’arrivée comme au départ de l’aéroport de Cotonou. « Je voudrais vous prier de faire déconnecter dans les meilleurs délais vos équipements installés dans les loges (de l’aéroport de Cotonou – ndlr) », peut-on lire dans le courrier adressé à SECURIPORT.
Malgré la réponse de la société américaine qui rappelle les clauses du contrat qui le lient à l’État béninois, le gouvernement a rapporté l’arrêté interministériel qui autorise les activités de SECURIPORT. Le 18 novembre, le gouvernement a décidé de donner un avis favorable à l’offre spontané de la société MORPHO DYS pour la mise en place d’un système de contrôle des entrées et sorties à l’aéroport de Cotonou. Un contrat de concession de type BOT d’une durée de 10 ans renouvelable une seule fois. Pour justifier cette décision, le gouvernement béninois a indiqué l’importance et l’urgence des travaux et sa capacité limitée de mobilisation de ressources publiques pour y faire face.
Le rififi médiatique…
Invité dans une émission sur la chaine de télévision privée « Golfe Tv Africa » le 22 novembre 2016, Hervé Hêhomey, alors ministre des Infrastructures et du transport, a évoqué les points de discordes entre l’État béninois et la société américaine. Selon le ministre, SECURIPORT se substitue à la Police nationale dans la gestion des données à caractère personnel des citoyens béninois à l’aéroport de Cotonou. Entre autre, Hervé Hêhomey a également déploré la redevance de 20 dollars US prélevée par la société américaine sur chaque billet d’avion aller-retour au départ de Cotonou.
Le 29 novembre 2016, les avocats de SECURIPORT ont tenu une conférence de presse pour apporter des clarifications aux propos du ministre Hêhomey. « Le ministre déclare que « SECURIPORT se substitue à la Police Nationale et mieux gère les données à caractère personnel. » Il n’en est rien car cette déclaration est contraire tant aux stipulations contractuelles qu’à la réalité des faits (…) Contrairement aux allégations du ministre, aucun agent de SECURIPORT n’a jamais effectué l’enrôlement des voyageurs au départ comme à l’arrivée sur la plateforme aéroportuaire », a déclaré les avocats de la société américaine à la presse.
Au sujet de ra redevance de 20 dollars US prélevée par la société, les avocats ont indiqué qu’il s’agit d’une Taxe de sécurité sur chaque billet qui est la compensation des investissements effectués par SECURIPORT au titre du Contrat qui est un BOT (Build, Operate and Transfer c’est à dire Concevoir, Monter et Transférer). Selon les avocats de la société américaine, la mise en œuvre de cette taxe prévoit plusieurs étapes conformément aux textes de la République du Bénin.
La justice pour trancher…
Le Bénin étant membre du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) et de la Convention de New York, la société américaine a porté l’affaire devant la justice. Deux ans plus tard, l’affaire semble être jetée aux oubliettes. Dans sa déclaration de juillet 2018 sur le climat des investissements au Bénin, le gouvernement américain a mentionné que le différend qui oppose l’État béninois et SECURIPORT dans le contrat de fourniture de services de sécurité de l’aviation civile et de l’immigration n’est toujours pas réglé.
Six mois plus tard, le Bénin est condamné à payer une lourde amende. Selon « La Lettre du Continent », le Bénin va payer la faramineuse somme de 95 millions de dollars US soit environ 55,5 milliards de fcfa à la société américaine SECURIPORT. C’est la sentence prononcée par la Chambre de commerce international de Paris (France) qui a été saisi de l’affaire par la partie américaine.
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