Bénin: le député Guy Mitokpè insatisfait suite à l’explication du gouvernement sur le rachat de la dette intérieure
Excellence Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,
Je voudrais vous exprimer toute ma gratitude pour cet effort de programmation de mon interpellation du Gouvernement sur la présente question,
Aux représentants du Gouvernement, je voudrais dire mes remerciements pour cet essai de réponse, même si je dois avouer que je n’ai pas été convaincu des positions du Gouvernement sur la question,
Monsieur le Président, chers collègues Députés,
L’analyse de l’évolution de la dette montre une tendance croissante inquiétante faisant passer la dette de 41.1% du PIB en 2015 à 50% en 2016 puis 58.2% en 2017 (cf. CAA) Cette tendance haussière ne semble pas s’inverser puisque le gouvernement table sur une prévision 63% en fin 2018 pour financer son budget. Ce qui dépasse les recommandations du FMI pour les pays à faible revenu (50% du PIB) et se rapprochera de la limite fixée par l’UEMOA (70% du PIB) faisant ainsi du Bénin le second pays après le Togo à ne pas respecter ce critère de convergence. Cet état des choses nous classe incontestablement parmi les mauvais élèves et ce pour la 1ère fois de son histoire depuis l’avènement du renouveau démocratique.
Est-ce à dire que notre pays sera bientôt en cessation de paiement ou du moins aurait des difficultés réelles à honorer à ces engagements ? Raison pour laquelle on multiplierait des émissions de bons de trésors depuis l’avènement du gouvernement dit de la rupture ? Quel est l’état réels des finances publiques?
La pertinence de refinancement de la dette dans notre contexte actuelle, ou en d’autre terme pour notre économie agonisante se pose, d’autant plus que le 28 Avril 2016, par le biais du Ministre Pascal KOUKPAKI, le Gouvernement annonçait, je le cite « il faut contenir le risque de refinancement de la dette parce que le refinancement de la dette lorsqu’il est fréquent limite les interventions de l’Etat dans d’autres domaines prioritaires » fin de citation. L’inquiétude du Ministre d’Etat se justifie sans doute par le caractère douteux des sociétés spécialisées dans ce genre d’opération, de rachat ou de refinancement de la dette bancaire. Le refinancement de notre dette bancaire sur les marchés financiers ou au niveau des hedge funds, comporte d’énormes risques et vous le savez Monsieur le Ministre. Nous pouvons citer par exemple les Fonds Vautours qui depuis une décennie font de l’Afrique leur terrain favori. En effet, selon un rapport de l’ONU de septembre 2016 l’Afrique est de loin le continent le plus harcelé par les fonds vautours.
Le rapport, qui cite les informations fournies par le FMI, révèle que les sommes obtenues par les fonds vautours représentent entre 12 % et 13% du PIB des pays africains. « Ces pays ont le plus faible pourcentage de procès dans lesquels ils ont obtenu gain de cause et ont dû débourser plus de 70 % de la somme (près d’un milliard de dollars) dont les fonds vautours ont obtenu le paiement suite à des litiges », font savoir les auteurs du document. Selon la Banque africaine de développement (BAD), au moins vingt pays pauvres très endettés ont été menacés ou ont fait l’objet d’actions en justice de créanciers commerciaux et de fonds vautours depuis 1999, dont la Sierra Leone par Greganti Secondo et ARCADE, la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso par Industrie Biscoti. D’autres pays ont été visés, comme l’Angola, le Cameroun, le Congo, la République démocratique du Congo, l’Éthiopie, le Liberia, Madagascar, le Mozambique, le Niger, São Tomé-et-Principe, la Tanzanie et l’Ouganda.
Les fonds vautours sont des fonds d’investissements spéculatifs qui se spécialisent dans l’achat à bas prix de dettes émises par les débiteurs en difficulté ou proches du défaut de paiement, avec pour objectif de réaliser une plus-value soit lors de la phase de restructuration de la dette, soit en refusant la restructuration et en obtenant par action en justice le remboursement de leur créance à une valeur proche de la valeur nominale plus intérêts et éventuels arriérés de retard. Leur pratique consiste à emmener les litiges devant les tribunaux anglais ou américain.
Ainsi, En 2006, Donegal International a engagé une action en justice contre la Zambie devant les tribunaux du Royaume-Uni, lui réclamant un montant de 55 millions de dollars. Donegal a remporté le procès qui lui a permis d’obtenir un rendement de 370 %, soit près de 17 fois le montant de la dette initiale.
En 2004, un tribunal d’instance de district des États-Unis d’Amérique a condamné le Congo à payer 18 430 000 de dollars et 11 725 000 de dollars, majorés des intérêts (9 %) et des frais de justice à Energoinvest. Energoinvest a cédé le droit de recouvrer sa créance à FG Hemisphere, société établie dans l’État du Delaware, qui, selon le rapport, est un paradis fiscal aux États-Unis. La dette aurait été achetée pour 37 millions de dollars.
Par ailleurs, nous savons que le fondement de la stratégie des fonds d’investissements spéculatifs est de parier sur l’échec de l’emprunteur puis de récupérer un maximum d’argent lorsque ce dernier est à terre. Ce qui voudrait signifier que le souhait de ceux auprès de qui notre pays emprunte, est que nous n’arrivions pas à éponger l’emprunt, ainsi ils pourront s’accaparer de notre pays comme des vautours,
Monsieur le Ministre, chers membres du Gouvernement, chers collègues députés, les prochaines générations nous ont à l’œil, et vous avez la lourde responsabilité de ne point conduire notre pays dans le ravin.
Deux ans déjà que ça patauge,
Deux ans de tâtonnement,
Deux ans de pourrissement de la fronde sociale,
Deux ans de présentation de maquettes sans rien concrétiser, d’où l’expression de Gouvernement Maquette,
Deux ans de pressions les plus pauvres, et de ménagement des intérêts claniques
Deux ans de violation des décisions de la Cour Constitutionnelle
Nous voulons être rassuré que de votre boussole fonctionne car il n’y a point de vent favorable pour celui qui n’a pas une idée claire de sa destination,
Ainsi, quelles sont les assurances que le Gouvernement peut-il donner à notre peuple et à la Représentation Nationale, que nous ne sommes aucunement dans un schéma de refinancement de notre dette par un de ces fonds d’investissements spéculatifs ou fonds vautours ?
Pire pourquoi avoir choisir le tribunal des Royaumes Unis comme arbitre en cas de litige ?
L’élément de cadrage de budget 2018 prévoit je cite : « Recours prioritaire aux emprunts concessionnels et à ceux libellés en euro afin de réduire le risque de change. » De plus, notre analyse des actions actuelle à savoir :
a. Le refinancement de la dette intérieure
b. Le processus de notation en cours
c. Le rebasage des comptes nationaux
Laissent penser à une préparation à aller sur les marchés extérieurs pour émettre des « Eurobonds ». Or ce genre d’opération, même si elle offre l’opportunité aux états de disposer des grandes liquidités, comporte des risques non négligeables à savoir :
• Risque de change : les dettes étant émises en devise, une dévaluation du CFA dont la probabilité n’est pas nulle fera exploser la dette en euros. De plus la perspective de la monnaie CEDEAO constitue un risque de change.
• Une conjoncture globale défavorable : en effet, notre pays à l’instar des pays d’Afrique subsaharienne sont négativement impactées par la baisse du cours des matières premières et le ralentissement de l’économie chinoise. La zone CFA est encore plus impactée par la conjoncture des matières premières. Les comptes d’opérations de la Banque des Etats d’Afrique Centrale (BEAC) et la Banque des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) ne peuvent pas rester éternellement débiteurs ; ainsi ces dernières doivent détenir des réserves de change suffisantes pour maintenir un taux de change fixe entre l’Euro et le Franc CFA. Ce qui limite notre capacité d’ajustement en cas de crise.
• Le risque de défaut consécutif à une baisse de notation : les eurobonds sont à maturité longue. Une mauvaise notation du Bénin suite à une probable dégradation des finances publiques et au ralentissement de la croissance économique peut conduire le pays à un risque de défaut. Exemple du Gabon, Mozambique et l’Angola.
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Et à ce propos Tidjane THIAM, l’un des cadres supérieurs Africains des plus respectables du monde de la finance mondiale, Actuel Directeur Général de la banque Crédit Suisse, disait dans une interview, il y a juste quelques jours, je le cite, « c’est une folie pour les pays africains de recourir à des prêts en devises pour financer des infrastructures vitales telles que les routes, l’électricité et l’eau potable », fin de citation. Selon cet expert de la finance mondiale, c’est une folie de recourir à des Eurobonds pour financer des infrastructures vitales.
Cependant, pour des pays pauvres comme le nôtre, il préconise « l’épargne domestique afin d’investir dans les projets locaux ».
La stratégie de l’actuel Gouvernement n’est ni une solution à moyen terme, ni une solution à long terme. Le Gouvernement nous pousse inexorablement vers une véritable crise de la dette et du surendettement, ce qui tue pour les générations à venir les chances de prospections et de perspectives économiques durables.
Le Bénin notre pays, doit pouvoir continuer d’exister après le régime de la rupture, et pour cela nous devrons laisser des marges de fonctionnement aux générations futures.
Je voudrais à ce niveau de mon intervention, exhorter notre parlement à prendre des mesures efficaces contre les fonds d’investissements spéculatifs car des pays dont l’économie est plus solide que le nôtre, l’exemple de la Belgique, ont fait voté des lois pour mieux encadrer les emprunts souverains ou des actions contre les fonds vautours ?
Nous voulons savoir à quoi ont servi les différents emprunts obligataires engagés ? Le Gouvernement peut-il donner plus de précisions à la Représentation Nationale sur le montant total global que le refinancement de notre dette de 350 milliards de francs CFA couterait à notre pays ? Car selon nos recoupements d’informations, cela il nous reviendrait de payer au minimum la somme de 530 milliards de francs CFA sur une période de douze ans à compter de 2022.
Je vous remercie.
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